«Ces tarifs ne sont pas acceptables»Pour l’économiste de la FRC Nadia Thiongane, les nouveaux prix prévus pour avril sont discriminatoires. En cause, la différence énorme entre les tarifs au guichet et ceux via Internet.
L’économiste Nadia Thiongane estime que les personnes âgées seront les premières victimes de cette grille tarifaire.
La nouvelle a bien failli passer inaperçue. Enfouie au milieu d’un communiqué de La Poste Suisse au sujet de sa nouvelle politique tarifaire, publié juste avant les Fêtes. Ainsi, pour les prestations «administratives» (de type changement d’adresse, réexpédition temporaire, garde de courrier à l’office), les clients auront le choix entre un «tarif au guichet» et un «tarif sur Internet.» Le communiqué précise que ce dernier sera «réduit». Et ce, dès le 1er avril de cette année.
De 40% à 150% plus cher
Concrètement, d’après nos calculs, les opérations concernées seront de 40% à 150% plus chères si effectuées à l’office de poste plutôt que sur le Web. Exemple: pour un ordre de garder le courrier pendant les vacances, la taxe passera à 20 francs si elle est faite au guichet, alors qu’elle sera de seulement 8 francs en ligne. La réexpédition jusqu’à deux semaines: 22 francs à l’office, contre 10 francs sur Internet.
«Nous regrettons cette pratique qui est celle des banques privées: décourager les opérations au guichet par des hausses de prix et facturer les prestations effectuées par le client via Internet», estime Nadia Thiongane, responsable des questions économiques à la Fédération romande des consommateurs (FRC). «La Poste a une mission de service public, et on ne peut pas accepter une telle discrimination des prix. Surtout que les prestations au guichet sont beaucoup utilisées par les personnes âgées.»
Au Syndicat autonome des postiers (SAP), la nouvelle ne passe pas non plus. «On voudrait inciter les gens à ne plus aller au bureau de poste qu’on ne s’y prendrait pas autrement!» réagit son président, Olivier Cottagnoud. «C’est de la concurrence déloyale interne à l’entreprise!» dénonce le militant valaisan, qui se bat depuis plusieurs années contre la fermeture des offices postaux (réduits au nombre de 1800, soit deux fois moins qu’il y a douze ans).
Du côté du géant jaune, on justifie l’écart de prix guichet/Internet par la différence des coûts engendrés. «Au guichet de poste, le client peut être conseillé sur les différentes prestations et obtenir de l’aide, explique Nathalie Salamin, porte-parole. Il arrive que le personnel remplisse des formulaires électroniques avec le client et ce service coûte de l’argent. En revanche, le client bénéficie d’une réduction lorsqu’il entreprend ces démarches de manière autonome via Internet.» La logique de la nouvelle grille tarifaire est donc clairement économique. Et La Poste assume. «Ces adaptations visent à mieux couvrir les coûts des prestations déficitaires et à compenser les frais supplémentaires accumulés, indique le communiqué. La Poste met ainsi en œuvre le principe ancré dans la loi selon lequel ses prestations ne doivent pas être déficitaires.» Un discours auquel l’économiste de la FRC n’adhère pas, dénonçant des hausses «saucissonnées».
«Nous comptons sur Monsieur Prix pour analyser ces nouveaux tarifs», reprend Nadia Thiongane. Contacté par téléphone, le porte-parole de la Surveillance des prix indique que les nouveaux tarifs sont en cours d’examen. (Le Matin)