Jorge Valero : un écrivain des PTT

Jorge Valero, fils d'immigrés espagnols, passe son enfance à Villeurbanne. Il entre aux PTT (centre de tri de Lyon-Gare) à 19 ans. En 1957, il a vingt ans et fait partie de ces millions de jeunes français qui s'embarquent pour l'Algérie et se retrouvent engagés dans une guerre qu'ils ne veulent pas. Témoin des horreurs perpétrées sur les populations kabyles par l'armée coloniale française (l'armée de Bigeard, Challes, Le Pen), il en écrit un livre La Méditerranée traversait la France. Démobilisé en janvier 1960, il milite activement pour l'arrêt de la guerre et l'indépendance de l'Algérie. La guerre terminée, Valero supporte mal l'apathie de ses collègues de casiers, et pire encore celle des vieux stals de la CGT, devant le grand mouvement de libération des pays du tiers monde (Vietnam, Bolivie, Palestine, Noirs d'Afrique du Sud et des USA...). C'est le sujet de Dans un bien-être sûr, son second roman. Puis il y a 68, la CFDT, LIP et l'exclusion de la section CFDT de Lyon-Gare dont parle Ni Dieu ni Maire. Quels choix se présentent alors aux exclus de tous genres ? La lutte violente et clandestine (Régis Debray, Pierre Goldman, Action Directe) ? L'adhésion au PS ? La tentative de reconstruire un syndicat autogestionnaire ? Ou se retirer sous sa tente ?... Ce sont ces questions que se pose Valero dans son roman Tous les chevaux ont couru. Jorge Valero affectait un air désenchanté par la vie, mais il cachait une grande connaissance de la littérature, de la politique, du mouvement ouvrier et du cinéma. Dans un bien-être sûr, La Méditerranée traversait la France, il foisonnait d'idées, de projets, de révoltes. Jorge Valero est mort au printemps 1990 - sûr que le mouvement social de décembre 1995 lui aurait plu...Ecrivain des centres de tri, Valero parlera à tous ceux qui, dans les bureaux, se posent des questions et tentent de refaire vivre un syndicalisme combatif.

Tous les chevaux ont couru
(La digitale - 01/12/1989)
La grève a démarré durement : 1 mort, un camion de chèques détourné. Mo se prend à rêver à Mai 68. Mais l'Histoire ne repasse jamais les plats. Mo est un rêveur et un idéaliste il ne sait pas encore que son seul avenir : c'est le salariat et produire toujours plus pour l'amour d'une nouvelle maîtresse : l'entreprise. Mo n'a pas tout vu : la Gôchunie au pouvoir, le consensus, les post-modernes, les grands équilibres économiques, la Bourse, les socialistes-soft, la mondialisation de l'économie, l'Euro et la droite civilisée. Exit le prolétariat ! Il faut que tout change pour que tout reste pareil Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Dans cette fiction policière, le héros tente d'échapper à la grisaille de la vie quotidienne codifiée totalement consensuelle. Cette tranche d'histoire sociale, fort bien documentée, - Jorge Valero travaillait au centre de tri de Lyon, - pose la question qui mine tout prolétaire : allons-nous vers la décomposition sociale ? Reste-t-il une place pour la révolte sociale ?
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Ni Dieu ni Maire, de Charléty aux moutons noirs
(La digitale, 1989)
1977, le bureau départemental décide d'exclure du syndicat CFDT-PTT la section de Lyon-Gare. Le recentrage de la CFDT a commencé, les syndicalistes contestataires sont dans la ligne de mire. Le livre raconte l'histoire de cette exclusion, alors que la grève de 1974 est encore très présente dans les esprits.

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Dans un bien-être sûr, la vie quotidienne des postiers du centre de tri à Lyon
(Federop, 1975)
Trieur de nuit à Lyon, Valero raconte l'ambiance de travail avec ses collègues. les questionnements sur la stratégie syndicale de la CGT, verrouillée par les staliniens, les débats au casier ou à la cantine sur les luttes de libération nationale, les galères des postiers... Une tranche de vie sur une population spécifique, celle des nuiteux des CTC.