Il refusait de livrer des pubs sexy - C’était un employé sérieux, à La Poste depuis dix ans. Pourtant, fin mars, le géant jaune s’est senti obligé de se séparer de lui, après des séances de médiation infructueusesCe qui lui est reproché? A plusieurs reprises depuis 2008, Emmanuel, 28 ans et papa depuis peu, a refusé de livrer des pubs pour Erotik-Markt. «J’ai aussi dit non à la diffusion d’un tract du mouvementraëlien, explique ce chrétien évangélique. Il en aurait été de même pour de la promo de l’homosexualité ou de l’avortement.»
«C’est tragique, mais logique!»Pour le sociologue Christophe Monnot, le cas de Manu illustre le rapport qu’entretiennent certains chrétiens ultras avec la modernité: «Son histoire est tragique, surtout qu’il a un enfant en bas âge. Mais sa démarche est guidée par une logique forte. Revenir en arrière et livrer ces courriers aurait le prix d’une véritable conversion, comme s’il reniait sa foi pour vivre mieux dans un monde où ses croyances perdent de leur influence.»
Son credo: bien que légales, ces pubs sont immorales et «avoir un problème de conscience fait partie des droits du travailleur.»
Aujourd’hui au chômage, il exige deux ans de salaire pour ne pas avoir été averti, durant sa formation, qu’il devrait
distribuer des documents heurtant sa sensibilité: «Il y a dix ans, il n’y avait jamais de telles pubs, la société mettait la ceinture moins bas.» Il jure qu’il aurait choisi une autre voie s’il avait su ce qu’il allait devoir livrer.
Bienque refusant de s’exprimer sur le cas d’Emmanuel, La Poste relève que de telles «objections de conscience» sont très rares chez les facteurs.
«En 2004, la distribution d’un envoi de Beate Uhse avait
suscité des réactions du personnel», confie cependant Nathalie Salamin, porte-parole. Elle rappelle que ce n’est pas à sa société mais aux autorités de déterminer quel courrier est acceptable.
Quant à Erotik Markt, la chaîne jure que ses flyers ne montrent pas plus de chair qu’un catalogue de lingerie. Ces arguments ne convainquent pas Manu: «Ma réaction était saine et je suis viré comme si j’avais fauté. Mais Dieu me mènera vers un employeur qui respectera ma foi.»