Postman
Nombre de messages : 1531 Age : 45 Localisation : Paris Date d'inscription : 09/08/2008
| Sujet: La mobilité professionnelle des employés du tri postal entre 1958 et 1990 Lun 20 Oct 2008 - 22:01 | |
| Bruno Mahouche, « La mobilité professionnelle des employés du tri postal entre 1958 et 1990 », DEA d’histoire contemporaine, Paris 8, sous la direction de Michel Margairaz, 1997, 105 p.
La Poste est soumise à des contraintes de fonctionnement comme toutes les entreprises qui doivent traiter des flux de population et d’objets importants. La direction doit s’attacher les services d’une main-d’oeuvre stable et régulière afin d’être en mesure d’assurer une qualité de service acceptable et la régularité du trafic. La qualité du service postal est définie par la règle du « J + 1 ». Il s’agit d’acheminer le courrier au plus tard le lendemain de son dépôt. La Poste qui n’a jamais atteint parfaitement cet objectif essaye chaque année de s’en rapprocher le plus possible. La régularité du service est, elle, une finalité sociale contenue dans le rôle qu’attribue l’Etat à la Poste. Dans l’esprit du public, il est inimaginable de penser que la Poste puisse ne pas acheminer le courrier pendant plusieurs jours. Pour tenir ces objectifs, les dirigeants de la Poste doivent tenir compte de facteurs comme la répartition de la population, du nombre d’entreprises, de l’évolution du trafic des objets de correspondance et des colis postaux d’ailleurs soumis à la concurrence depuis les années 1970. Ils doivent, en outre, opérer des choix en matière de transport du courrier en fonction des différentes infrastructures existantes, de la rapidité, des choix effectués par les concurrents. Des politiques ont été définies en tenant compte de contraintes économiques et sociales, et c’est souvent par rapport à ces politiques que l’encadrement, les employés des centres de tri, les syndicats ont déterminé leurs attitudes et leurs comportements.
A partir des années 1950, l’accroissement du trafic connaît un véritable regain. En 1949, la Poste collecte, transporte et distribue 1,870 milliards de lettres et de cartes postales alors qu’en 1959, elle en transporte 3,480 milliards. Le trafic augmente alors de plus de 80 % pendant cette période. Dans le même temps, le nombre d’imprimés et de périodiques passe de 1,836 milliard à 2,320 milliards. Le problème est que la Poste voit ses effectifs augmenter moins vite que l’accroissement du trafic : en 1960, le nombre d’agents est seulement supérieur de 7 % par rapport à celui de 1949. A partir de 1960, le trafic postal croît essentiellement pour des raisons commerciales et économiques. L’expansion entraîne un fort développement de la messagerie des entreprises. La publicité et la vente par correspondance augmentent considérablement. Le nombre de correspondances augmente de 3,6 % de 1962 à 1963. En 1966, la Poste constate que le trafic a doublé en 15 ans et prévoit que l’évolution de la structure de la population active travaillant dans le secteur primaire et secondaire est très favorable à un accroissement des services postaux. Un an plus tard, en 1967, le trafic s’élève à 6,8 milliards de lettres, 1,2 milliards d’imprimés et 210 millions de paquets. Cet accroissement coïncide avec une période d’austérité budgétaire. Cela est d’autant plus préjudiciable que la Poste est une entreprise de main-d’oeuvre : les frais de personnel constituent environ 70 % des charges de l’entreprise.
Le recrutement dans la fonction publique a posé un problème important au début des années 1960 en raison du manque de candidats. En 1960, l’administration des PTT attire peu. Le contenu de certains concours est revu afin d’abaisser le niveau des épreuves car l’administration ne trouve pas tous les agents dont elle a besoin. La période de plein emploi n’encourage pas les employés à passer les concours de l’administration : souvent, les salaires sont moins élevé dans la fonction publique que dans le secteur privé. En 1960, selon les comptes de la CGT, environ 900 emplois sont vacants dans les centres de tri parisiens. Le concours d’agent d’exploitation masculin qui constitue la base du recrutement des trieurs reçoit à peine 3 000 candidatures en 1960 contre 4 000 en 1955. Ces chiffres sont à mettre en relation avec le nombre annuel de brevets d’étude de premier cycle décernés, diplôme nécessaire pour s’inscrire au concours d’agent d’exploitation : environ 80 000 personnes obtiennent ce diplôme en 1960 contre environ 40 000 personnes en 1955. Alors que le nombre de bacheliers est passé d’environ 30 000 en 1951 à 50 000 en 1959, le nombre de candidats pour le concours de contrôleur masculin s’élevait seulement à 300 contre 2 000 en 1951. En 1967, le pourcentage de candidats remonte : 22 500 candidats se présentent cette année-là aux concours des PTT organisés à Paris, soit une augmentation de 30 % par rapport à 1951.
En 1960, les normes de recrutement des employés des centres de tri sont d’abord définies par l’âge, le sexe et le niveau d’étude. L’âge minimal requis pour passer le concours externe est de 17 ans, l’âge maximal de 26 ans. Les élèves ayant fréquenté de façon satisfaisante la classe de seconde d’un lycée ou d’un collège peuvent également se présenter à ce concours. Le principe d’égalité est également mis en avant par les responsables du recrutement. La Poste met également en avant son mode de gestion du personnel qui privilégie la stabilité. Dès les années 1950, les PTT aspirent à recruter un personnel jeune et qualifié pour qu’il puisse faire carrière dans l’entreprise. Celle-ci ne recrute pas les individus qu’elle considère comme trop vieux pour y réaliser une carrière. Les titulaires de l’administration ont ensuite la possibilité de s’inscrire au concours interne dans le but de promouvoir leur carrière. Des grades sont ensuite créés pour répondre à des besoins de promotion. Par exemple, le grade d’agent d’exploitation de la distribution et de l’acheminement (AEXDA) est créé en avril 1971 afin d’offrir aux trieurs un débouché au sein de l’entreprise. Malgré la participation massive des femmes à la vie professionnelle à partir du milieu des années 1960 et la tradition séculaire de la féminisation des PTT, un principe de sélection interne a pour effet de bloquer l’entrée des femmes dans les centres de tri. Dès 1946, on remarque que le personnel féminin a un rendement inférieur à celui des hommes : une femme trie en moyenne « seulement » 1 200 à 1 400 lettres à l’heure contre 1 600 à 2 000 pour un homme. On s’aperçoit aussi que le taux d’absentéisme des femmes est supérieur à celui des agents masculins même si l’on ne prend pas en compte les absences dues au congé maternité. C’est pourquoi le critère du sexe a joué un rôle déterminant dans l’orientation des candidats jusqu’en 1975, date à partir de laquelle l’administration des PTT a organisé des concours d’agent d’exploitation mixtes. La crise du recrutement des années 1970 a conduit les PTT à trouver des parades pour attirer la main-d’oeuvre dont elle a besoin. En 1956, les PTT ont d’abord le souci d’offrir une image convenable d’eux-mêmes et de leur personnel avant de vanter les mérites et les avantages qu’ils sont en mesure d’offrir à leurs nouvelles recrues pour attirer les jeunes dont ils ont besoin. Quelques avantages sociaux sont distribués ça et là au gré des politiques sociales et de la capacité des syndicats à mobiliser les employés. Les dirigeants de la Poste ont parfois changé les règles du recrutement en révisant la réglementation ou les conditions d’accès à un concours. Les possibilités de faire carrière dans l’administration sont un argument souvent mis en avant dans la littérature administrative. Mais l’image que renvoie l’univers des centres de tri incite peu de jeunes à passer un concours. La Poste met parallèlement en avant les possibilités de promotion interne qu’une grande entreprise de réseau est en mesure d’offrir et la diversité des filières professionnelles en vue d’attirer les jeunes qui sont intéressés pour faire carrière dans l’entreprise. L’administration organise également la mobilité géographique et garantit aux nouvelles recrues la possibilité de retourner dans sa région d’origine.
Dès 1948, un service psychotechnique a officiellement la charge de recruter, parmi le personnel en place, des agents soit pour combler des postes de travail vacants, soit pour combler de nouveaux poste de travail dont l’apparition est liée à l’évolution de la technologie. Grâce à ce service, les dirigeants de la Poste espèrent mieux connaître les potentialités de leurs employés. Les dirigeants de la Poste ont de plus été confrontés à des problèmes de gestion de la main-d’oeuvre à cause de l’irrégularité du trafic. Il a donc fallu trouver les moyens nécessaires pour que le service puisse s’exécuter dans des conditions normales. La mise en place progressive d’un marché dual se déclinant sous deux formes bien distinctes a constitué, dès l’instauration du statut général de la fonction, publique en 1946, une réponse pour faire face au caractère irrégulier de la charge de travail. Dès les années 1950, un noyau central de trieurs et une périphérie à géométrie variable doivent faire le même travail, mais bénéficient de conditions statutaires différentes : les premiers ont droit à la garantie de l’emploi, les autres ont un statut précaire ; ce sont les auxiliaires. Officiellement, ils interviennent lorsque l’effectif disponible est inférieur à l’effectif minimum. Mais la Poste les utilise comme une variable soit pour faire face aux aléas de la charge de travail, soit pour pallier le manque d’effectifs dus aux absences régulières ou irrégulières des agents titulaires. Quand l’accroissement du trafic a posé de sérieux problèmes de personnel à l’administration à partir des années 1960, l’embauche d’auxiliaires a constitué la principale parade pour faire face à son évolution. |
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